LES INSTITUTIONS DE LA FRANCE

 

Gouvernement

La France est une république; son régime, semi-présidentiel, est régi par la Constitution d'octobre 1958. Ce texte réduit les possibilités pour le Parlement de renverser le gouvernement, renforçant la stabilité ministérielle en développant les mécanismes du parlementarisme rationalisé (article 49.3, possibilité pour le gouvernement de prendre des mesures législatives par ordonnances). Parallèlement, la Constitution renforce l'autorité et les pouvoirs du président, qui se réserve un droit de regard privilégié sur la politique étrangère et la politique de défense (domaine réservé).

Investi de la souveraineté, le peuple français exerce son pouvoir à travers les élections législatives, présidentielles et lors des consultations par référendum. Le Parlement se compose de l'Assemblée nationale (577 députés, élus pour cinq ans) et du Sénat (321 membres, élus pour neuf ans), qui peuvent être réunis en Congrès pour opérer une révision de la Constitution. L'Assemblée nationale est élue au suffrage universel direct, au scrutin majoritaire d'arrondissement à deux tours. L'Assemblée est l'expression directe de la souveraineté populaire et, investie de la mission de voter la loi, peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement. Les sénateurs sont élus au suffrage indirect, par un collège électoral composé des députés, des conseillers généraux, des conseillers régionaux et de délégués des conseils municipaux. Par son mode d'élection, le Sénat tend à accorder une représentation importante aux régions rurales et aux villes moyennes, ainsi qu'aux Français de l'étranger.

La Constitution de 1958 a créé un nouvel organe, le Conseil constitutionnel, autorité indépendante qui a tout pouvoir pour superviser les élections et les référendums et qui juge de la conformité de la loi à la Constitution et au bloc de constitutionnalité incluant les grandes lois de la République depuis 1789!; le Conseil comprend neuf membres nommés pour neuf ans par le président de la République et les présidents des deux assemblées. Les anciens présidents de la République en sont membres de droit. Le droit de vote est fixé à dix-huit ans en France.

 

Pouvoir exécutif

Le président de la République est élu pour sept ans au suffrage universel direct. Son mandat est renouvelable et il dispose du droit de dissoudre l'Assemblée nationale après consultation des présidents des deux assemblées parlementaires. Le président est le chef des armées et préside le Conseil supérieur de la magistrature, le Comité de défense nationale et le Conseil des ministres. Le président désigne le Premier ministre et nomme les ministres en accord avec ce dernier. En cas de vacance ou de décès, la fonction présidentielle est provisoirement exercée par le président du Sénat.

Le Premier ministre et le Conseil des ministres sont responsables uniquement devant l'Assemblée nationale, bien que le Premier ministre ait la possibilité de demander au Sénat d'approuver une déclaration de politique générale. En pratique, le Premier ministre est également placé sous l'autorité du président de la République, qui peut lui demander sa démission en cas de désaccord sur la politique gouvernementale (sauf en cas de cohabitation au sommet de l'État d'un président de la République et d'un Premier ministre de tendances politiques différentes). Le Premier ministre est le responsable de la mise en œuvre de la politique gouvernementale et intervient également à ce titre dans les domaines de la défense et des affaires étrangères. Lorsque l'Assemblée nationale adopte une motion de censure, ou lorsqu'elle rejette le programme ou une déclaration de politique générale, le Premier ministre doit présenter la démission de son gouvernement.

 

Pouvoir législatif

Le Parlement français est constitué de deux Chambres, l'autorité législative suprême appartenant à l'Assemblée nationale. Le Sénat a un vrai rôle législatif et peut retarder, à défaut de pouvoir les empêcher, l'adoption des lois : si les deux Chambres sont en désaccord à propos d'une loi, la décision finale dépend de l'Assemblée nationale après deux tours de «!navette!», et peut, ou bien accepter les amendements du Sénat, ou bien faire passer son propre texte. La Constitution de 1958, qui prévoyait pour les assemblées deux sessions annuelles d'une durée totale de cinq mois et demi, a été révisée en 1995 pour permettre la tenue d'une session unique de neuf mois. La responsabilité du gouvernement peut être mise en jeu par le dépôt d'une motion de censure, qui n'est considérée comme adoptée que si elle a recueilli la majorité absolue (au lieu de la majorité des votants comme auparavant). La Constitution interdit par ailleurs à ceux qui ont présenté une motion de censure repoussée de présenter une autre motion de censure au cours de la même session. À la différence des Constitutions précédentes, les ministres ne peuvent simultanément occuper une fonction parlementaire et divers dispositifs tendent à limiter le cumul des mandats. Les amendements constitutionnels peuvent être adoptés après approbation des deux Chambres et un référendum populaire, ou par la simple approbation des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès à Versailles.

 

Autres organes prévus par la Constitution

Le Conseil économique et social, composé de personnalités choisies en raison de leurs compétences, de représentants des salariés, des employeurs et des organismes professionnels et culturels, joue un rôle consultatif auprès de l'Assemblée nationale et du Conseil des ministres. Le Conseil d'État assiste le gouvernement dans l'élaboration des textes de loi et vérifie la conformité des règlements aux principes du droit administratif et à la Constitution.

 

Partis politiques

La France a été longtemps caractérisée par une très grande atomisation des partis politiques, dont beaucoup, à l'image du parti radical, constituaient des partis de notables. Les règles institutionnelles de la Ve République ont cependant obligé les petites formations à fusionner, favorisant une bipolarisation durable de la vie politique. Quatre partis principaux, deux de centre droite et deux de gauche, ont dominé la politique française depuis 1958. Le Rassemblement pour la République ou RPR, fondé en 1976 par l'actuel président de la République Jacques Chirac et dirigé par Alain Juppé, se présente comme l'héritier du mouvement gaulliste. L'Union pour la démocratie française (UDF), fédération bâtie autour du Parti républicain et dont l'autre composante principale est représentée par les centristes de Force démocrate, a longtemps été liée à l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing qui l'a fondée en 1978 et en a quitté la présidence en 1996 au profit de François Léotard. À gauche, on trouve le Parti socialiste, qui fut dirigé par François Mitterrand jusqu'en 1981 et est aujourd'hui sous la responsabilité de Lionel Jospin, le Parti communiste français, dirigé par Georges Marchais puis par Robert Hue. À ces quatre partis qui forment l'ossature du Parlement et de la vie politique sous la Ve République il faut ajouter le Front national de Jean-Marie Le Pen, parti proche de l'extrême droite qui a connu une importante croissance électorale au cours des années 1980 et 1990, les différents mouvements écologistes (partis verts), les radicaux de gauche et l'extrême gauche dont le représentant principal est l'organisation Lutte ouvrière d'Arlette Laguillier. De plus en plus, la France tend à être gouvernée au centre, mais sa vie politique reste dominée par deux grands blocs droite/gauche qui alternent au pouvoir depuis 1981.

 

Administration locale et départementale

Les 96 départements métropolitains sont répartis en 21 régions et une collectivité territoriale à statut particulier (la Corse). En 1981, le gouvernement du président Mitterrand introduisit la décentralisation, créant des conseils régionaux aux compétences élargies. Dans chaque région, les conseillers régionaux élisent un exécutif régional présidé par un président de région. Les départements sont divisés en cantons, qui élisent les conseillers généraux, et en plus de 36 000 communes, qui sont dirigées par des conseils municipaux de 10 à 36 membres, élus pour un mandat de cinq ans. Chaque conseil municipal élit un maire. Dans chaque département, un préfet, nommé en Conseil des ministres, représente l'État. Il existe également des préfets de région. (Voir Collectivités locales et territoriales.)

 

Système judiciaire

Pour les délits mineurs et les affaires civiles, la justice est rendue par les tribunaux d'instance (au nombre de 473) et les tribunaux de grande instance (au nombre de 181). Les crimes punissables de cinq ans de prison sont jugés par les tribunaux correctionnels. Les cours d'appel (au nombre de 35) jugent en deuxième instance les affaires traitées par ces tribunaux. Les affaires criminelles importantes sont jugées devant des cours d'assises (au nombre de 102). Les décisions des cours d'assises et des cours d'appel ne peuvent être révisées que par la Cour de cassation, la plus haute instance juridictionnelle, qui peut annuler des jugements et les renvoyer devant une autre juridiction pour vice de forme, sans se prononcer sur le fond de l'affaire. Ses décisions font jurisprudence et donnent l'orientation du droit français sur telle ou telle question. Des juridictions spécialisées traitent des litiges commerciaux (tribunaux de commerce, au nombre de 230), des conflits entre employés et employeurs (conseils de prud'hommes, au nombre de 289), des contentieux relatifs à la Sécurité sociale (tribunaux des affaires de Sécurité sociale au nombre de 110). Les magistrats se répartissent entre représentants du siège (tribunaux) et représentants du parquet (ministère public). Les tribunaux administratifs (au nombre de 33) et les cours administratives d'appel jugent des affaires relatives au droit administratif et peuvent être saisis par les particuliers. Voir Judiciaire, organisation.


Défense

Le service national d'une durée de dix mois est obligatoire pour les hommes de 18 à 35 ans. Un projet du gouvernement, rendu public dans un discours de Jacques Chirac le 22 février 1996, a proposé la suppression graduelle de la conscription, qui serait remplacée par un volontariat et une très courte période de formation civique et civile!; la totalité des missions de défense reviendrait à une armée de métier.

Le budget de la défense était de 241,4 milliards de francs en 1992, soit 3,4 p. 100 du PIB. En 1993, l'armée de terre avait un effectif de 275 371 hommes, la Gendarmerie nationale de 91 263, la marine de 71 298 et l'armée de l'air de 95 822 auxquels il faut ajouter la section commune (79 072) et les effectifs d'outre-mer (19 740). En 1995, on recensait, toutes catégories de personnels confondues, 606 000 femmes et hommes (militaires et civils) relevant directement du ministère de la Défense, ce chiffre devant être réduit en l'an 2000. En 1996, la France a amorcé un rapprochement avec le commandement militaire unifié du Conseil de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) qu'elle avait quitté en octobre 1966. La France a développé une force nucléaire autonome de dissuasion nationale comprenant entre autres des sous-marins nucléaires et des missiles balistiques. Au début des années 1990, il y avait encore des forces françaises stationnées en Allemagne et dans plusieurs pays d'Afrique, notamment au Tchad. En 1990, la France a pris part à la guerre du Golfe, envoyant des troupes et des navires de guerre dans le golfe Persique après l'invasion du Koweït par l'Irak. Elle a également envoyé des régiments de casques bleus en Bosnie à partir de 1993 et participé aux opérations militaires en ex-Yougoslavie dans le cadre de la Force d'intervention rapide créée avec la Grande-Bretagne et l'Otan, ainsi qu'aux opérations humanitaires au Rwanda à partir de 1994.1

Constitution, ensemble de lois supérieures qui régissent l'organisation et le fonctionnement des pouvoirs publics, et qui constituent la loi suprême d'un État.

 

Origine des Constitutions

La Constitution permet de donner un statut à l'État. Indispensable à son existence, elle détermine son autorité. Tout État moderne possède d'ailleurs une Constitution. Paradoxalement, c'est sous l'Ancien Régime, en France, qu'est née la première Constitution. La monarchie était enserrée dans un réseau de normes et de règles juridiques appelées «!lois fondamentales du royaume!» qu'elle ne pouvait ignorer. Cependant, ces lois coutumières, c'est-à-dire non écrites, restaient imprécises et même contradictoires. C'est la Révolution française qui donna à la notion de Constitution sa signification moderne. Les constituants de 1791, inspirés à la fois par les philosophes des Lumières et par l'exemple américain, entreprirent de donner à la France une Constitution, seul remède au malaise politique, économique et social du pays et seul moyen de séparer ainsi l'État de la personne royale. La notion de Constitution naît à la fois de cet élan révolutionnaire et de cette dissociation. Désormais, la Constitution sert aussi à limiter le pouvoir des gouvernants. L'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme, qui dispose que «!toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution!» s'explique par ce contexte historique et politique. À partir de la Révolution, la Constitution, acte juridique solennel, prit un caractère obligatoire auquel doivent se soumettre les gouvernants qui deviennent ainsi redevables de leur pouvoir au regard d'une norme supérieure. La Constitution est donc indispensable à la formation de l'État de droit (par opposition à l'État de police où règne l'arbitraire).

 

La forme des Constitutions

Les juristes distinguent généralement les Constitutions écrites des Constitutions coutumières (orales ou non codifiées de manière systématique). Cette distinction est en fait quelque peu artificielle. Les Constitutions coutumières peuvent reposer sur certains documents écrits, comme c'est le cas en Grande-Bretagne (Magna Carta de 1215, Habeas Corpus de 1679, Parliament Act de 1949, etc.) et la coutume influence le fonctionnement des Constitutions écrites. Les Constitutions coutumières reposent sur un ensemble d'usages nés de la pratique, revêtant une force obligatoire. La coutume doit présenter quatre caractères : l'interprétation ou l'attitude constitutionnelle doit être répétitive, constante, claire, et doit rencontrer l'approbation de l'opinion publique et de la classe politique. La coutume peut modifier de façon considérable l'équilibre des pouvoirs. Ainsi, l'abandon par le président de la République Jules Grévy en 1880 de l'usage du droit de dissolution fit évoluer la IIIe République d'un régime parlementaire où l'exécutif (président de la République) devait exercer un pouvoir prépondérant vers un régime d'Assemblée où le Parlement devint tout puissant. Les Constitutions écrites (la première fut celle de l'État de Virginie en 1776) ont un caractère particulièrement solennel parce qu'elles sont rédigées. Les détenteurs du pouvoir d'élaborer une Constitution possèdent le pouvoir constituant originaire. Celui-ci est mis en œuvre dans trois circonstances : la création d'un nouvel État, l'instauration d'une fédération d'États, ou le changement de régime politique après une guerre ou une révolution. Les détenteurs du pouvoir constituant originaire emploient l'une des méthodes suivantes pour instaurer une nouvelle Constitution : l'octroi (Charte française de 1815), le référendum (Constitution de 1852), l'élection d'une assemblée constituante chargée de rédiger de nouveaux textes (Constitution de 1791), ou une formule mêlant plusieurs de ces procédés. Le peuple élit une assemblée constituante chargée de rédiger une Constitution, puis est consulté par référendum sur le travail de l'Assemblée. C'est de loin la méthode la plus démocratique. À la Libération, la Constitution de la IVe République a été adoptée selon cette procédure.

 

La révision des Constitutions

Une Constitution doit pouvoir être modifiée afin de suivre l'évolution des mœurs et des mentalités. Il appartient donc aux auteurs de la Constitution de prévoir des modalités de révision. Le pouvoir de changer la Constitution, qui relève des autorités supérieures de l'État, (exécutif, assemblées) est appelé «!pouvoir constituant institué!». Lorsqu'une procédure particulière est engagée pour réviser la Constitution, on parle d'une Constitution rigide. Au contraire, lorsque la réforme constitutionnelle n'est soumise à aucun procédé particulier et s'accomplit dans les modalités prévues pour des lois ordinaires, on parle de Constitution souple (Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande, Israël, Chine). En France, sous la Ve République, l'article 89 donne la possibilité de réviser la Constitution concurremment au président de la République (sur proposition du Premier ministre) et aux députés et sénateurs. La proposition doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées puis doit être soumise à référendum. Lorsque c'est le président de la République qui a l'initiative de la révision (dans la pratique cela a toujours été le cas), il n'est pas obligé de recourir au référendum et peut soumettre son texte au Congrès (formé par la réunion de l'Assemblée nationale et du Sénat) qui se prononce à la majorité des trois cinquièmes. C'est par ce procédé que la Constitution de la Ve République a été révisée sept fois depuis 1958. Les révisions les plus importantes ont porté sur l'élargissement du droit de saisine du Conseil constitutionnel en 1974, sur la mise en conformité de la Constitution avec le traité de Maastricht en 1992, sur la révision de la composition du Conseil supérieur de la magistrature et sur la modalité de la responsabilité pénale des ministres en 1993, sur l'application des accords de Schengen en 1993, sur la modification du régime des sessions du Parlement et l'élargissement du domaine du référendum en août 1995, sur le rôle du Parlement dans la gestion de la sécurité sociale en janvier 1996. Cependant, la réforme la plus importante de la Constitution de 1958 a été l'élection au suffrage universel du président de la République. Elle a été opérée par le général de Gaulle en 1962, non par l'article 89 mais par l'article 11 (référendum) afin de passer outre la volonté du Parlement, procédé qui constituait une violation manifeste de la Constitution, mais qui fut acceptée en raison de l'importance de la majorité politique favorable au président de la République.

 

Le contrôle de constitutionnalité

Le mécanisme de contrôle de constitutionnalité consiste à faire constater par un organisme approprié (Cour suprême des États-Unis, tribunal de Karlsruhe en Allemagne, Conseil constitutionnel en France) la conformité d'un acte législatif à la Constitution. En France, la Constitution occupe la place suprême dans la hiérarchie des normes, dominant les lois organiques, les lois ordinaires et les règlements. Elle nécessite donc une protection particulière. Le contrôle des lois est opéré par le Conseil constitutionnel avant la promulgation des lois. Cet organisme, composé de membres choisis par le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, est à la fois un arbitre, un juge et un défenseur des libertés, depuis son célèbre arrêt de 1971 concernant la liberté d'association. Le contrôle de constitutionnalité des lois s'appuie sur le «!bloc de constitutionnalité!» qui comprend la Déclaration des droits de l'homme de 1789, le Préambule de la Constitution de 1946, les principes fondamentaux particulièrement nécessaires aux lois de la République, et la Constitution elle-même.

 

L'Assemblée nationale sous la Ve République

L'Assemblée nationale, composée de 577 députés élus au suffrage universel direct, dispose toujours d'une prééminence sur le Sénat. Elle seule peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement, et peut donc, en contrepartie, être dissoute par le président de la République. Les projets de loi de finance lui sont soumis avant le Sénat et en cas de désaccord avec la chambre haute, l'Assemblée nationale a le dernier mot. Cependant, les constituants de 1958, soucieux d'assurer la stabilité gouvernementale, ont voulu rationaliser le parlementarisme et donner la suprématie à l'exécutif.

L'Assemblée nationale ne maîtrise pas son ordre du jour, qui lui est imposé par le gouvernement. Si l'initiative législative appartient concurremment aux parlementaires et au gouvernement, les propositions de loi, émanant des parlementaires, ne représentent que 3 à 4 p. 100 des textes votés annuellement. Les commissions qui sont destinées à examiner projets et propositions de loi et à fournir des informations aux députés sont limitées à 6 (elles étaient 19 avant 1958). Les députés (comme les sénateurs) ne peuvent intervenir que dans un domaine législatif strictement défini par l'article 34 de la Constitution (droits civils, délits et peines, impôts, statut des fonctionnaires, nationalisations, défense, droit de la propriété, droit du travail)!; ce qui n'appartient pas au domaine législatif relevant du domaine réglementaire — donc du seul exécutif (art. 37). En outre, pour l'exécution de son programme, le gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. L'initiative législative est par ailleurs limitée en matière budgétaire, les députés ne pouvant proposer des lois ou des amendements susceptibles de diminuer ou d'augmenter les ressources publiques. Enfin, la possibilité pour les députés d'amender un texte est restreinte par la procédure dite du «!vote bloqué!», l'article 44 prévoyant que le gouvernement peut exiger de l'Assemblée nationale qu'elle se prononce par un seul vote sur un texte en discussion, en ne retenant que les amendements proposés par lui. Enfin, l'article 49-3 de la Constitution, en combinant vote de la loi et mise en cause de la responsabilité du gouvernement, permet qu'une loi soit adoptée sans qu'elle soit votée par l'Assemblée nationale.

Le contrôle de l'action gouvernementale par l'Assemblée nationale est également limité tant par la Constitution que par le phénomène majoritaire. Si le gouvernement est responsable devant l'Assemblée nationale, les modalités de mise en jeu de cette responsabilité, définies par les articles 49 et 50, sont très restrictives : le gouvernement choisit ou non d'engager sa responsabilité sur une déclaration de politique générale ou sur un texte. Les députés peuvent certes déposer une motion de censure (recevable si un dixième d'entre eux la signe) mais la Constitution disposant qu'elle doit être adoptée à la majorité des membres composant l'Assemblée, une telle motion n'a guère de chance d'aboutir dans un système où le mode de scrutin assure au gouvernement de disposer d'une majorité parlementaire disciplinée. Un seul gouvernement a ainsi été renversé sous la Ve République, en octobre 1962.

Cependant, le contrôle du pouvoir exécutif par le pouvoir législatif s'exerce par le biais des questions orales et des questions au gouvernement, créées en 1974, ainsi qu'au travers des débats faisant suite aux déclarations de politique générale du gouvernement. Depuis les lois de 1977 et de 1991, les parlementaires peuvent par ailleurs constituer des commissons d'enquête, mais leur puissance est loin d'égaler celle des commissions américaines. La faculté qui a été donnée, depuis 1974, à soixante députés (ou soixante sénateurs) de saisir le Conseil constitutionnel a cependant élargi les pouvoirs de l'Assemblée. Enfin les révisions de la Constitution de 1995 et de 1996 vont également dans le sens d'une revalorisation du rôle des parlementaires. Désormais, l'Assemblée nationale siège en session annuelle et fixe, sur proposition du gouvernement, les ressources de la Sécurité sociale financées par l'impôt et le taux d'évolution des dépenses de protection sociale. Voir aussi Constitutions françaises.1

Sénat, seconde assemblée parlementaire, élue au suffrage universel indirect, représentant les collectivités territoriales et les Français installés à l'étranger. Dans le système français de bicamérisme, tel qu'il a été institué par la Constitution de 1958, le Sénat, également appelé Chambre haute, partage l'initiative législative avec l'Assemblée nationale.

 

Le Sénat, institution républicaine

L'assemblée sénatoriale apparut dans la Rome antique. Certains traits caractéristiques du Sénat romain se sont perpétués malgré l'évolution constitutionnelle et éclairent le rôle traditionnellement dévolu, dans les régimes parlementaires occidentaux, et notamment français, à la Chambre haute. Ainsi le Sénat romain était composé d'hommes — des anciens magistrats — dont la sagesse et l'expérience étaient reconnues. Leur désignation obéissait à de strictes conditions d'éligibilité. Institution prestigieuse, l'assemblée sénatoriale romaine apparaissait comme la garante de la continuité de l'État.

En France, un Sénat fut pour la première fois établi par la Constitution de l'An VIII (Consulat, 1799). Maintenu sous le premier Empire, il avait pour rôle essentiel de veiller à la constitutionnalité des lois, ses membres étant nommés par le pouvoir exécutif. Les attributions qui lui étaient dévolues étaient les mêmes sous le second Empire.

Les Lois constitutionnelles de 1875, fondant la IIIe République, instauraient une seconde chambre parlementaire appelée Sénat, apparentée à la Chambre des pairs existant sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Fruit d'un compromis entre républicains et monarchistes, le Sénat se voyait attribuer le statut de gardien des intérêts conservateurs face à une Assemblée nationale élue au suffrage universel. Ses 300 membres (dont 75 étaient inamovibles) étaient élus au suffrage universel indirect par un collège électoral composé des conseillers municipaux — surreprésentés —, des conseillers d'arrondissement, des conseillers généraux et des députés. Les sièges étaient renouvelés par tiers tous les trois ans et l'âge minimal pour être éligible était fixé à quarante ans. Le Sénat disposait des mêmes pouvoirs législatifs que la Chambre des députés, sauf en matière financière, pour laquelle il n'avait pas l'initiative de certaines dépenses. Pour être promulguée, une loi devait être votée en termes identiques par les deux chambres parlementaires. Il arriva ainsi que des lois fussent rejetées par le Sénat, qui freina de nombreuses réformes sociales. L'assemblée sénatoriale disposait en fait d'une prééminence sur la Chambre basse. Son président assurait l'intérim du chef de l'État en cas de vacance, incarnant la continuité de la République, et présidait le congrès de Versailles lors des révisions constitutionnelles. Le Sénat exerçait également, dans les faits, un contrôle politique sur le pouvoir exécutif. Ne pouvant théoriquement pas renverser un gouvernement, puisqu'il ne pouvait être dissous, il fut, en réalité, à l'origine de la chute de nombreux cabinets. L'avis conforme de la chambre sénatoriale était par ailleurs nécessaire à la dissolution de la Chambre des députés. Le «!grand conseil des communes de France!», selon l'expression de Gambetta, représenta parfaitement l'idéal républicain modéré dont la base électorale se trouvait dans les campagnes françaises. Rendue en partie responsable de l'instabilité gouvernementale de la IIIe République, l'institution fut remplacée par un Conseil de la République, sans grand pouvoir, par la Constitution de 1946.

 

Le Sénat sous la Ve République

Les constituants de la Ve République, en restaurant le Sénat, en 1958 souhaitaient créer une assemblée de réflexion qui fût un soutien naturel du pouvoir exécutif. Le Sénat, composé de 322 membres élus pour neuf ans et âgés d'au moins trente-cinq ans, participait ainsi à l'élection du chef de l'État jusqu'en 1962. Comme celui de la IIIe République, le Sénat est élu au suffrage universel indirect, renouvelable par tiers tous les trois ans. Émanation des collectivités territoriales, il ne peut être dissous et dispose de l'initiative législative. Son président, garant de la continuité de l'État assure l'intérim en cas de décès ou d'incapacité du président de la République. Mais son pouvoir, notamment en matière législative, est réduit, au profit de l'Assemblée nationale : en cas de désaccord persistant entre les deux chambres sur un texte de loi, le gouvernement peut demander à l'Assemblée nationale de se prononcer en dernier ressort. La responsabilité politique du gouvernement ne peut être mise en jeu devant le Sénat.

Sur le plan politique, le Sénat n'a guère répondu aux attentes des auteurs de la Constitution de 1958. Le choix d'un mode de scrutin majoritaire pour l'élection des députés a assuré au gouvernement le soutien de l'Assemblée nationale, le Sénat apparaissant a contrario comme une chambre d'opposition. Ce fut notamment le cas de 1962 à 1974 — la réforme de l'institution proposée au référendum de 1969 par le général de Gaulle fut ainsi à l'origine du départ du président — et dans une moindre mesure durant les mandats de François Mitterrand. Depuis 1958, le Sénat est apparu comme un contre-pouvoir vigilant sur les libertés publiques et s'est montré un législateur de qualité.

 

Collectivités locales et territoriales

En France, ce sont des circonscriptions administratives, dotées d'autorités élues et d'une administration, qui exercent leurs compétences sur un territoire défini. Les communes, départements, départements et territoires d'outre-mer et, depuis les lois de décentralisation de 1982, les régions, sont des collectivités territoriales. Alors que l'essentiel du pouvoir de décision appartenait, auparavant, au préfet, représentant de l'État, les collectivités territoriales disposent désormais de pouvoirs étendus.

 

Les communes

Les 36 558 communes françaises, qui ont succédé aux paroisses, présentent une grande disparité : 70 p. 100 d'entre elles sont des villages de moins de 700 habitants tandis que 2 p. 100 (soit 800) ont une population supérieure à 10 000 habitants. Si l'on considère la population des différents pays de l'Union européenne, la France compte trois fois plus de communes que les autres États membres. C'est la loi de 1884 modifiée par des textes postérieurs à 1982 qui régit l'organisation de la commune. Les communes sont administrées par le conseil municipal et le maire, assisté d'un ou de plusieurs adjoints. Le conseil municipal, qui réunit de 9 à 69 membres selon l'importance de la commune, est élu au suffrage universel direct. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le conseil municipal est élu au suffrage universel plurinominal (les électeurs votent pour une liste de candidats). Les électeurs ont la possibilité de composer leur propre liste (le panachage) avec des candidats figurant sur plusieurs listes ou même d'indiquer leur préférence entre les candidats d'une même liste. Dans les communes de plus de 3 500 habitants, les conseils municipaux sont élus selon un scrutin de liste à deux tours qui mêle représentation proportionnelle et suffrage majoritaire. Ce système permet aux minorités ou à l'opposition d'être représentées au conseil municipal. Le conseil, élu pour six ans, élit le maire et ses adjoints. Le maire est l'exécutif de la commune : il dirige l'administration communale (État-civil) et les services publics locaux (collecte des ordures, eau), gère le domaine public et privé de la commune, veille au maintien de l'ordre et dispose d'un pouvoir de police. Ses compétences s'étendent également aux domaines de l'enseignement primaire (construction d'écoles), de l'aide sociale, de l'aménagement et de l'urbanisme (logement social, établissement des plans d'occupation des sols) et du développement économique local. La loi de décentralisation de 1982 permet aussi au maire de délivrer des permis de construire aux personnes privées. Le conseil municipal discute et vote le budget et contrôle l'action du maire. Pour remplir leurs missions, les communes disposent des revenus des taxes foncières (impôt sur la propriété), des taxes d'habitation (payées par l'occupant d'un logement) et des taxes professionnelles (dues par toute personne physique ou morale exerçant habituellement une activité professionnelle non salariée). Les communes ont la possibilité de s'associer en syndicats afin de participer à des opérations importantes d'urbanisme.

 

Les départements

Créés par la Révolution française, les départements sont au nombre de 100 (96 en France métropolitaine auxquels s'ajoutent les 4 départements d'outre-mer : Martinique, Guyane, Guadeloupe et la Réunion). Depuis la loi de décentralisation de 1982, le pouvoir exécutif départemental est exercé par le conseil général. Les départements sont divisés en près de 4 000 cantons représentés chacun par un conseiller général. Les conseillers généraux sont élus pour six ans au suffrage uninominal majoritaire à deux tours. Ils élisent en leur sein, pour un mandat de trois ans, le président du conseil général. Ce dernier préside les débats, prépare et exécute les délibérations. Le conseil général exerce des compétences notamment dans le domaine social (attribution du revenu minimum d'insertion), il a en charge la voirie, l'enseignement secondaire de premier degré (les collèges) ainsi que les transports. Ses revenus sont identiques à ceux des communes auxquels s'ajoutent différentes dotations de l'État visant à compenser les charges qui leur ont été transférées dans le cadre de la décentralisation.

 

Les Régions

La France compte 26 Régions (22 en France métropolitaine et 4 régions d'outre-mer). Circonscriptions administratives créées en 1960, elles sont devenues des collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation de 1982 complétées en 1986. La Région a pour mission de contribuer, en liaison avec l'État et les autres collectivités territoriales, au développement économique, social et culturel ainsi qu'à la formation professionnelle. La Région a bénéficié d'importants transferts de ressources fiscales (taxes sur les cartes grises, dotations de l'État). Le conseil régional, élu pour six ans au suffrage universel direct et au scrutin de liste par département à la représentation proportionnelle, élit en son sein un président qui prépare et exécute les délibérations du conseil régional. Le président du conseil régional exerce ses pouvoirs dans les domaines de l'éducation (lycées et relations avec l'enseignement supérieur), de l'aménagement du territoire et du développement économique (rôle d'incitation). Le conseil régional est assisté d'un comité consultatif économique et social où sont représentés salariés, entreprises et organismes de la Région. Les Régions sont devenues les interlocuteurs privilégiés de l'Union européenne dans la mesure où leur développement dépend de plus en plus de leur position en Europe et des liens qu'elles peuvent tisser avec les autres Régions des pays européens. Entre 1989 et 1993, plus de 40 milliards de francs ont été versés aux Régions par les organismes européens.

D'une manière générale, les responsables des collectivités territoriales sont devenus sur les plans économique et financier des acteurs essentiels. En 1992, ils géraient un budget équivalent à 7 p. 100 du produit intérieur brut, soit environ 735 milliards de francs.